Des escargots et des champignons utilisés pour tenter de dépolluer les sols des friches industrielles

Des escargots et des champignons utilisés pour tenter de dépolluer les sols des friches industrielles

En Isère, la friche industrielle d’une ancienne usine du Pont-de-Claix, au sud de Grenoble, s’est transformée en laboratoire à ciel ouvert. Des chercheurs expérimentent de nouvelles techniques endémiques pour dépolluer les sols, grâce à des micro-organismes, “dégradeurs de PCB”, ou à l’aide d’escargots.

En apparence, c’est un grand terrain vague, une friche industrielle d’environ quatre hectares, laissée à l’abandon depuis 2011, sur la commune du Pont-de-Claix, en Isère. Ce site, jadis occupé par l’entreprise Becker, spécialisée dans la peinture et les vernis industriels, a vocation à devenir une zone résidentielle. Encore faut-il dépolluer ses sols.

Plutôt que d’excaver la terre contaminée pour l’enfouir ailleurs et la remplacer par de la terre “fraîche”, des chercheurs ont transformé la friche en laboratoire à ciel ouvert, pour étudier les modalités de nettoyage des sols par des moyens plus naturels.

La ville du Pont-de-Claix, l’Établissement public foncier local du Dauphiné (EPFL), propriétaire du terrain, et la société Envisol ont créé une coopérative d’intérêt collectif destinée à favoriser la requalification de ces zones industrielles en jachère.

Requalifier les friches plus vite et à moindre coût

“C’est né d’une rencontre et d’un constat, qu’on avait du mal à utiliser de l’innovation pour requalifier plus vite et à moindre coup les friches”, indique Gaël Plassard, fondateur d’Envisol. 

Ce “centre de réflexion isérois en aménagement durable”, baptisé Crisalid, rassemble une demi-douzaine de start-ups et de PME qui expérimentent de nouvelles techniques pour éradiquer les polluants. 

Ils utilisent notamment des escargots, pour faire l’examen de l’état des sols. Ils sont déposés dans la friche par groupes de trois sur différents secteurs. 

“On les encage pendant 28 jours. Ils vont intégrer les transferts de polluants qui vont venir de l’ingestion de végétaux, de l’ingestion de sols. Ils vont inhaler aussi des poussières, ils vont ingérer de l’humus, ils vont inhaler les gaz, les polluants volatiles”, explique Maxime Louzon, docteur en toxicologie, au sein de la société Envisol.

“Au bout de 28 jours, on va regarder s’ils sont en bonne santé. On va analyser des bio-marqueurs et des polluants, pour savoir si les contaminations résiduelles se transfèrent à la biodiversité et impactent la santé des organismes”, continue le scientifique. 

Le cladosporium, candidat idéal

Voilà pour le diagnostic de l’ADN des sols. Reste à trouver les micro-organismes qui réussiront à digérer la pollution et à régénérer le terrain. Laurence Fraissinet-Tachet, professeur en écologie microbienne à l’université Lyon 1, a recensé 29 champignons et 17 bactéries, susceptibles d’être les candidats idéaux pour le poste, sur un total de 240 identifiés sur le site.

“C’est encore à l’état de recherches mais on a isolé différents champignons, levures et bactéries à partir de sols pollués et on les étudie pour savoir si certains de ces micro-organismes sont capables de dégrader les PCB (polychlorobiphényles, ndlr), des polluants organiques très persistants dans le sol”, indique-t-elle.

Et pour l’instant, c’est un champignon, le cladosporium qui tient la corde, avec une capacité de dégradation de 95% des PCB.

Etudier l’écotoxicité des champignons utilisés

Mais, les performances du cladosporium ont été, pour l’instant, observées uniquement en laboratoire. Il lui faudra faire ses preuves sur le terrain. Et à ce stade-là, il pourrait être délaissé pour un autre micro-organisme un peu moins efficace mais capable de s’ancrer davantage dans les terres souillées de la friche.

“D’autres dégradent à 85% mais peut-être qu’ils seront plus compétitifs dans le sol. C’est l’étude qui va le déterminer”, poursuit Laurence Fraissinet-Tachet.

“C’est très important aussi d’étudier les mécanismes de dégradation de ces micro-organismes et étudier si les produits de dégradation ne sont pas toxiques, parce que cela ne sert à rien de faire disparaître des polluants pour générer des produits de dégradation autant toxiques que les polluants eux-mêmes”, note la scientifique. 

Dans la même veine, les chercheurs vont prochainement immerger des moules dans le Rhône pour mesurer les quantités de perfluorés qui polluent les eaux du fleuve.

Source : www.france3-regions.francetvinfo.fr

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