Proposition de loi ZAN

Proposition de loi ZAN

Le Sénat a présenté le 14 décembre sa proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN).

Il propose notamment :

  • de repousser d’un an l’entrée en vigueur des différents documents de planification – Sraddet, PLU…
  • de transformer les conférences de SCoT en conférences régionales des ZAN, à la composition élargie et aux missions renforcées
  • d’instaurer pour chaque commune un “droit à l’hectare
  • de comptabiliser séparément les projets d’envergure nationale
  • d’instaurer un sursis à statuer et un droit de préemption “ZAN” pour les communes et EPCI.

La proposition ne remet pas en cause l’objectif – “il ne s’agit nullement de sortir du ZAN“, précise l’élu Jean-Baptiste Blanc. Ses auteurs se plaisent même à indiquer dans l’exposé des motifs que “grâce aux efforts de sobriété foncière menés par les collectivités territoriales (…), la décennie 2010-2020 a marqué une diminution progressive des surfaces artificialisées, passant d’environ 31.000 hectares à 20.000 hectares annuels environ“.

De manière générale, les sénateurs déplorent qu’en l’état des textes et des pratiques, “les collectivités se heurtent à plusieurs difficultés” :

  • D’abord, une partie des décrets d’application – il est rappelé qu’ils ont fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dont l’issue n’est pas encore connue – se révèlent au mieux incomplets ou inadaptés, au pire incohérents avec les dispositions prévues par la loi“, estiment les sénateurs. Ainsi du rôle et de la portée des documents régionaux ou de la nomenclature, “inapplicable par les collectivités“.
  • Ensuite, un calendrier “intenable” – qui prévoit une révision des schémas régionaux de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet) et autres documents régionaux avant février 2024, ce qui implique “de poser le crayon” d’ici le printemps, relève Valérie Létard. Et ce, alors que les conférences des ScoT n’ont rendu leurs propositions qu’à la fin d’octobre.
  • S’y ajoute une architecture institutionnelle qui doit être ajustée, le “chef de filât” confié à la région pouvant “laisser craindre, dans certains territoires, une association insuffisante des communes et intercommunalités“.
  • Enfin, certains outils font défaut, alors que “cette révolution de l’urbanisme et de l’aménagement aura des conséquences profondes sur la disponibilité foncière et donc les prix fonciers, sur la construction de logements, sur le financement des opérations d’aménagement portées par les pouvoirs publics, ou même sur la fiscalité locale“.

Le Sénat propose en conséquence plusieurs dispositions visant à revoir la gouvernance de la lutte contre l’artificialisation des sols, à “accompagner la réalisation des projets structurants de demain“, à mieux prendre en compte les spécificités du territoire et à prévoir de nouveaux outils pour faciliter la transition.

Le Sénat propose d’abord de repousser d’un an la date d’entrée en vigueur des documents régionaux, et en cascade celle relative aux ScoT, plans locaux d’urbanisme (PLU) et cartes communales. En parallèle, “pour laisser davantage de temps au dialogue territorial“, il propose de réduire de trois à un mois le délai laissé au préfet pour approuver le Sraddet et d’autoriser la tenue simultanée de la consultation du public et celle des personnes publiques associées.

Pour “restaurer l’esprit de la loi” et rendre aux collectivités territoriales la souplesse nécessaire, les sénateurs proposent que les règles des documents régionaux s’appliquent aux documents locaux “dans un rapport de prise en compte, et non de compatibilité”. Ils proposent également que la région devra justifier la manière dont elle a tenu compte des observations et propositions du bloc communal qui lui ont été transmises.

Les sénateurs entendent également instaurer une gouvernance décentralisée du ZAN, en transformant les conférences des SCoT en conférences régionales des ZAN, où la représentation des élus communaux, intercommunaux et départementaux sera “améliorée“. Ces conférences devront se réunir au moins annuellement et assurer un suivi de la mise en œuvre du ZAN, mais aussi émettre des avis en cas d’évolution des objectifs régionaux et de leur répartition et participer à l’identification des grands projets d’ampleur nationale.

Sujet de discorde, les sénateurs proposent de comptabiliser séparément les projets d’envergure nationale. “Ces projets représentent aujourd’hui 25.000 hectares, sur une enveloppe disponible de 125.000 hectares“, précise Jean-Baptiste Blanc. “Sans purger cette question, une région comme les Hauts-de-France n’aurait que de 7 à 10 hectares par Scot et par an à artificialiser“, met en relief Valérie Létard, qui insiste : “L’État doit être mis face à ses responsabilités“. Comme vu précédemment, les nouvelles conférences régionales des ZAN se prononceraient sur la qualification de ces projets. ” Aujourd’hui, une prison n’est pas considérée comme un projet d’intérêt national“, prend ainsi exemple Jean-Baptiste Blanc.

Les sénateurs proposent de mieux prendre en compte les efforts passés dans le cadre de la répartition de l’effort. Mesure phare, ils proposent d’instaurer “un droit à l’hectare” : “Chaque commune aura droit à un hectare minimum pour se développer, un filet de sécurité pour éviter le gel du développement des petites communes rurales qui sont peu artificialisées“, explique Jean-Baptiste Blanc.

Est également proposée la mise en place d’une “réserve à projets” – entendre une part réservée avant la répartition de l’enveloppe qui pourra être appelée au fil de l’eau par les communes et EPCI porteurs de projets d’intérêt de territoire, afin de compléter leurs droits propres.

Pour éviter tout malentendu réglementaire, les sénateurs proposent que la loi dispose explicitement que les surfaces végétalisées à usage résidentiel, secondaire ou tertiaire (jardins particuliers, parcs, pelouses…) soient considérées comme non artificialisées.

De même, afin de ne pas faire subir une double pleine aux territoires frappés par le recul du trait de côte, les sénateurs proposent, d’une part, de décompter les parcelles rendues inutilisables et de les compter comme de la renaturation, et, d’autre part, que les projets visant à relocaliser les constructions sur des zones menacées ne soient pas comptabilisés au regard de l’artificialisation.

Les sénateurs proposent deux principaux outils pour permettre aux élus de reprendre leur destin en main. D’abord, l’institution d’un sursis à statuer spécifique, permettant à la commune ou l’EPCI de suspendre l’octroi d’un permis qui contreviendrait aux objectifs ZAN dans l’attente de la finalisation du dispositif. Ensuite, l’ouverture d’un droit de préemption des communes et EPCI sur des terrains présentant de forts enjeux en matière de recyclage foncier ou de renaturation, notamment afin de faire obstacle à la spéculation foncière et “aux ruées vers les friches“, selon les termes de Valérie Létard.

Les sénateurs préconisent également que les efforts de renaturation conduits depuis l’adoption de loi Climat et Résilience soient pris en compte, position qu’a déjà exprimée le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.

Afin d’inciter l’État à établir et transmettre rapidement aux collectivités des données fiables et complètes sur l’artificialisation des sols et la consommation d’espace, les sénateurs proposent qu’à défaut de mise à disposition numérique et gratuite des données dans un délai de six mois, les collectivités pourront utiliser les données locales dont elles disposent.

Les sénateurs espèrent que leur proposition de loi pourra être examinée “au cours de la dernière semaine de février 2023” au Palais du Luxembourg, en formant le vœu que l’Assemblée nationale et le gouvernement faciliteront la démarche. Enfin, estimant que la réussite du ZAN ne pourra se faire sans “réinventer la fiscalité locale, la mission conjointe du Sénat présentera dans un second temps de nouvelles propositions en la matière.

Pour consulter l’intégralité de la proposition de loi : cliquer ici.

Source : www.banquedesterritoires.fr / www.senat.fr

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